Echovert : Construire un monde de possibles
- Baptiste Fageolles
- 11 déc. 2021
- 5 min de lecture
C'est par le biais d'un stage d'éco-construction chaudement recommandé que nous avons découvert le lieu Echovert géré par l'association Alter-éco30. Un lieu aux multiples visages : stages divers et variés, éducation Montessori, accueil de pèlerins, fournil, chantiers écologiques, etc. On vous en dit plus sur ce lieu riche de diversité et très ancré dans son écosystème local.
Notre porte d'entrée : la construction écologique
Deux jours de stage d'initiation pour faire un grand tour d'horizon sur le vaste sujet qu'est la construction écologique ont guidé nos pas à Vauvert. Isolation, inertie thermique, contreventement, perspiration, renouvellement de l'air... Toutes les dimensions qui conditionnent une maison saine sont passées au peigne fin sous les schémas et la vulgarisation habile de Bruno, fondateur du lieu et constructeur émérite. Par son approche à la fois théorique issue de son bagage de physicien, à la fois empirique provenant de sa longue expérience de construction, il nous a rendu accessible la compréhension des techniques, des matériaux, des coûts, en résumé : les facteurs clés pour la construction d'un habitat sain. Je sens l'enthousiasme débordant que me procure la perspective de pouvoir un jour peut-être auto-construire une maison, une vraie perspective d'empuissancement. D'ailleurs, pour permettre à chacun.e de s'autonomiser sur ces questions, Alter'éco30 a publié de nombreux manuels en accès libre sur son site, qui fournissent des solutions concrètes pour construire un chauffe-eau solaire, un four à pain, un cuiseur isotherme, etc.
Vient ensuite le temps de la mise en pratique sur la serre bioclimatique que Bruno a commencé à construire avec des chantiers participatifs de jeunes en CAP du lycée de Nîmes et dont le relais est pris par les wwoofeur.euse.s de passage, comme nous et Corinne avec qui on a formé une équipe d'enfer ! On mesure, on coupe, on lime, on scie, on perce, on visse, on jointe... Ça semble lent mais chaque avancée concrète procure une vraie joie. On se heurte aussi à quelques désagréments, des décalages de mesure, des découpes pas faciles mais on trouve des solutions à chaque étape. On mesure un peu mieux l'investissement et le temps que nécessite le fait de mener un chantier, les bénéfices et les risques, également la nécessité de se former techniquement (par des chantiers participatifs par exemple) et d'être bien accompagné.e.s. Au bout d'une semaine on est vraiment fièr.e.s de ce qu'on a fait mais je me dis que la maison ce n'est clairement pas pour tout de suite, je commencerai par un fumoir à froid quand on aura un bout de jardin.
Un projet pour soi et un projet pour le groupe

Echovert s'est structuré depuis 20 ans autour d'Anne et Bruno qui ont racheté cette exploitation agricole initialement avec un projet d'élevage d'escargots (d'où l'escargot sur le panneau), avant d'en faire un écolieu collectif où vivent la famille, des "permanent.e.s" (des personnes qui restent sur une durée longue pour établir un projet) et des wwoofeur.euse.s de passage.
Dans leur philosophie, pour qu'un groupe maintienne un équilibre harmonieux autour d'un lieu, il est nécessaire que chaque personne ait à la fois une contribution pour le projet collectif et un projet individuel qu'iel développe. Ainsi, chacun apporte sa pierre à l'édifice du groupe et sa couleur par les projets qu'iel entreprend. Anne, institutrice dans l'éducation nationale a créé une salle de classe Montessori sur le lieu, initialement pour ses enfants, qui est maintenant mise à disposition et autogérée par les parents des enfants des environs. Bruno, en plus de superviser les chantiers, donne des formations sur l'éco-construction. Les « permanent.e.s », qui logent sur le lieu, en plus de leur participation aux activités du lieu, le font foisonner de leurs activités : construction de matériel pédagogique Montessori en bois pour Olivia, fournil et maraîchage pour Olivier, ateliers sensitifs et massages pour Sara, gestion du poulailler et fumoir à viande pour Eric. Chacun.e est invité.e à prendre sa place et le lieu bénéficie ainsi d'un dynamisme et d'une vivacité où l'on se sent rapidement invité.e à être acteur.rice de ce que l'on souhaite voir émerger. Une aspiration qui est exprimée dans le manuel "Vivre et faire ensemble" publié en accès libre par Alter'éco30 sur son site.
Etre au service de son écosystème et créer du lien
Dans la dizaine de jours que nous avons passé à Echovert, nous avons pu constater à quel point ce lieu, pourtant enclavé au bout d'une petite route, est un lieu de passage et d'échange. C'est un lieu qui se veut en proximité et au service de son écosystème local. On voit ainsi, le samedi matin, débarquer les jardiniers.ières amateurs.rices de l'association des Jardins de la Vallée Verte, armé.e.s de gants et de cagettes, venir s'occuper des parcelles de jardins partagés mis à leur disposition par Echovert. Iels vont et viennent, côtoyant Sarah, affairée sur son camion qu'elle aménage pour en faire sa nouvelle maison, remuant dans tous les sens les dimensions pour trouver la configuration idéale. Anne et Bruno lui mettent à disposition le lieu et ses ressources, notamment les nombreux outils de l'atelier, pour qu'elle puisse créer le van de ses rêves, en échange de quoi elle aide à la communication autour du lieu, par le biais de vidéos par exemple.
Un peu plus tard ce même jour, nous partons à Vauvert, le village voisin, pour assister à une manifestation du secours catholique qui organise une journée four à pain au pied de logements sociaux. Les habitant.e.s ont été convié.e.s à apporter leur préparations qui seront ensuite cuites dans le four mobile construit un an plus tôt par Bruno spécialement pour ce projet de sensibilisation et de lien social. C'est l'euphorie autour de la table de préparation où les gourmand.e.s grand.e.s et petit.e.s s'affairent à préparer cookies et pizzas, tandis que les plus sportif.ve.s participent à l'atelier de parkour organisé par le fils d'Anne et Bruno.
Le lendemain, c'est le jardin d'Echovert qui se transforme en salle de spectacle avec la venue de la poétesse Ada Mondez et de son pianiste. Les envolées lyriques déclamées tantôt en français, espagnol, anglais ou russe se mêlent aux airs de Vivaldi ou Rachmaninov dans la lumière de la fin des courts jours de novembre, créant une atmosphère magique. La culture se réinvente, sortant des salles pour venir se jouer entre les arbres, à condition que l'on sache l'accueillir.
A la fin de notre séjour, résonne dans ma tête une citation de Kennedy lue dans un article d'Yggdrasil sur l'exode urbain : « Ne demandez pas ce que le territoire peut faire pour vous, demandez ce que vous pouvez faire pour le territoire ». Quelle belle inspiration que ce lieu riche de possibles et de potentialités, ouvert à chacun.e pour y planter la graine de son imagination et faire pousser pour tou.te.s les fruits de son investissement ! Dans un paysage rural déserté, quel merveilleux enjeu politique de recréer de l'activité, du lien et du dynamisme, sortir de la logique de « consommer la ville » pour devenir acteur.rice d'un territoire, reprendre sa responsabilité et son pouvoir créateur.
Du sweet et du croc sur vous !
Baptiste et Justine
Pour plus d'informations : https://www.altereco30.fr/
Et vous pouvez retrouver ici tous les manuels en accès libre, sur l'autoconstruction écologique, le vivre-ensemble, la pédagogie Montessori... : https://www.altereco30.fr/manuels
En bonus : Voici la serre bioclimatique enfin terminée par nos successeurs wwoofeurs !

En rebonus : Nos tronches de cakes contentes de voir le soleil de novembre !

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