De l'habitat commun à l'usage commun : la Talvère
- Justine Fleur
- 28 nov. 2021
- 4 min de lecture

Lors d'une petite remontée nécessaire chez les parents de Baptiste pour troquer nos affaires d'été contre nos affaires d'hiver, nous avons découvert La Talvère, dans le Lot. Lors de nos recherches, on avait vraiment accroché au concept de La Talvère : proposer un lieu qui fasse le pont entre « l'agriculture et les cultures ». Concrètement, La Talvère est une partie de l'ancienne ferme rachetée par l'association du même nom, grâce à Terre de Liens, une organisation née en 2003 qui acquière des terres paysannes pour les sortir du marché (et donc de la potentielle spéculation), et les met ensuite à disposition des paysan.ne.s qui voudraient développer une agriculture bio, de proximité et à taille humaine, leur permettant ainsi un accès facilité au foncier.
L'idée de départ de La Talvère était de proposer un lieu qui soit à la fois tourné vers l'agriculture, avec une culture maraîchère et de l'élevage ; à la fois tourné vers les cultures au sens large, en mettant à disposition un espace qui pourrait recevoir des spectacles, des résidences d'artistes et des formations en tout genre.
Nous nous sommes donc rendu.e.s à la Talvère un dimanche matin brumeux, à l'occasion du « Dimanche Brico », un rendez-vous qui a lieu une fois par mois, et qui permet de rencontrer les membres de la Talvère, de papoter avec elleux tout en donnant un coup de main (et de marteau) pour continuer d'aménager le lieu, encore en chantier. En arrivant au point de RDV à 10h, nulle âme qui vive : pour un peu, on aurait cru s'être trompé.e.s, si la pancarte à l'entrée du lieu ne nous avait indiqué le contraire. Et puis, nous avons vu arriver au loin Charlotte, maraîchère ayant repris la ferme, vivant en face du lieu commun (l'ancienne maison des ex-propriétaires de la ferme) et membre de l'association La Talvère : elle venait nous annoncer que les trois membres qui devaient animer la journée (dont elle) étaient malades et couché.e.s. Bien gentille, et peut-être attendrie par notre enthousiasme et l'heure de route que nous avions faite pour les rencontrer, plutôt que d'aller tout de suite se recoucher, elle nous a préparé du thé, on a pu papoter et faire la visite du lieu. Celui-ci comprend un salon-cuisine, une douche, des toilettes sèches, un frigo et une machine à laver commun.e.s, deux chambres et un grenier à aménager.

Charlotte nous a raconté l'histoire de La Talvère, ce projet un peu fou de vouloir investir un lieu en dehors de la notion de propriété privée (car si on peut être hébergé.e à La Talvère pendant une formation ou lorsqu'on est de passage, personne n'y habite constamment) et d'en faire un lieu du commun accessible à tou.te.s. En effet, La Talvère est un lieu ouvert à tou.te.s les usagers.ères qui le souhaitent, pour n'importe quel usage : réunion tricot, cercle d'hommes, stage en CNV, tout est possible. La seule obligation pour être décrété.e usagers.ères est de devenir adhérent.e à l'association, en prix libre et conscient à partir de 1 euro symbolique. Le lieu peut ensuite être utilisé par tou.te.s, en s'inscrivant sur l'agenda participatif en ligne, et les usagers.ères paient une modique somme pour profiter du lieu, somme qui correspond au coût des ressources utilisées : eau, électricité, papier toilettes...

C'est donc un lieu en totale autogestion, qui repose sur le principe d' « être et faire en commun », d' « interdépendances » et de responsabilité individuelle et collective. Un beau projet de confiance qui invite chacun.e à se saisir du lieu comme il/elle le souhaite pour proposer ce qui lui tient à cœur ! Très beau dans l'idée mais parfois plus compliqué à réaliser dans la pratique : en effet, beaucoup ne font pas de distinction entre le lieu mis à disposition du commun, et l'association La Talvère. Ils/elles attendent que l'association organise des ateliers, alors que son rôle est prioritairement de gérer la logistique et l'entretien du lieu (même si chaque membre de l'association peut, s'il/elle le souhaite, organiser par lui/elle-même des ateliers / formations). On a aussi beaucoup aimé l'ambition d'ancrage territorial du lieu, la volonté de réunir en un même espace des individu.e.s complètement différent.e.s, la dimension aussi bien festive qu'engagée : par exemple, pour ses chantiers, l'association a pensé faire appel à l'école des Renardes, une école de charpente 100% féminine dans laquelle les femmes se forment à cet artisanat (vous imaginez bien que cela a parlé à mon cœur de féministe endurcie ! ;p).

Charlotte nous a aussi parlé des difficultés relationnelles que le groupe fondateur de La Talvère a connu, notamment sur le manque de vision commune claire dès le départ (on en revient à notre formation à Sainte-Camelle), nous confortant dans l'idée que les outils de gestion de l'humain.e et de vision collective sont essentiels au bon fonctionnement de projets collectifs, quels qu'ils soient. Les projets ont donc été mis un peu sur pause, le temps de retravailler la gouvernance collective et la vision du projet. Ainsi, le lieu reste encore en chantier et l'objectif de départ, mêler cultures et agricultures, est en cours,mais le petit marché maraîcher de La Talvère attire déjà du monde tous les mercredis. Le principal projet de l'association est désormais de rénover la grande grange attenante à la maison pour la transformer en salle pouvant recevoir les spectacles et les stages, ainsi que l'ancien fournil qui deviendra soit une cuisine professionnelle, soit une petite salle de projection.
Le midi, c'est Rudy, un autre membre de La Talvère, et sa petite fille, qui sont venu.e.s nous tenir compagnie, et on a commencé un petit chantier, certes moins ambitieux que la grange : retaper cinq bancs en les ponçant et les enduisant d'huile de lin. Un petit pas pour nous, mais un pas de plus pour la Talvère ! ;)

On continue donc à suivre d'un œil attentif ce beau projet en cours, et si jamais vous recherchez un lieu dans le Lot pour accueillir vos formations / ateliers, pensez à La Talvère, elle n'attend que vous pour la faire vivre !
Du sweet et du croc sur vous,
Justine et Baptiste
Pour en savoir plus :
Salut Justine! Merci de continuer à nous faire part de vos découverte! J'avais entendu parler de cette asso "terre de liens" mais sans creuser, en oubliant un peu... et le fait que tu le rappelles maintenant n'est pas anodin: je vais me renseigner! Merci beaucoup.